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07/11/2006

Tout tremble - Samedi 11

C'est avec un grand plaisir que nous accueillons à nouveau l'association La Réplique de Marseille après le beau film d'Éric Guirado : Ce que j'aimerais. Pour la clôtures des Rencontres, nous aurons la chance de vous présenter le résultat toujours en travail de l’atelier court numéro 3 Tout Tremble, réalisé par Bernard Bœspflug que nous avions reçu par le passé pour la série Photomobile et son moyen métrage Affaire(s) à suivre..

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Un texte du réalisateur :

Le film Tout tremble est né dans le creux de l’expérience d’un atelier cinéma, initié par le collectif de comédiens de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur “La Réplique“ ; à mi-chemin entre un stage de formation (faire travailler des comédiens devant une caméra) et une expérience de création en réalisant un court-métrage ou des séquences.

Ce qui m’a tout de suite intéressé dans cette proposition, c’est la possibilité de me confronter à la mise en scène avec beaucoup de personnages. Mes précédents films étaient plutôt sur le mode intimiste, avec trois ou quatre personnages. J’ai donc décidé de travailler avec quinze comédiens. Dans un second temps, j’ai pensé orienté le travail vers la création, convaincu que seule l’expérience réelle (faire un film) est porteuse de transmission, de questionnement ; on ne transmet bien que ce que l’on cherche soi-même.

J’ai donc élaboré un cadre de travail et une méthodologie. L’idée m’est venue de mon expérience théâtrale avec le metteur en scène Fabrice Macaux et d’un atelier d’écriture que j’avais filmé et qui était animé par l’écrivain Ricardo Monserrat. Mon projet est basé sur un double postulat, que le jeu d’acteur commence par un travail de construction du personnage, avant même l’ébauche d’une histoire, et que l’écriture du scénario passe par la collaboration avec les acteurs, dans un aller-retour constant entre eux et le metteur en scène scénariste.

J’ai proposé comme point de départ à l’histoire, une trame très ouverte, et en même temps, très ciblé : le personnel d’une usine va se mettre en grève suite à un événement encore indéterminé. L’histoire se déroulera sur une journée, un lundi. Le cadre de l’usine me permettait d’inscrire les personnages dans des rapports sociaux très vite identifiables. J’ai fait une distribution, ouvriers, cadres et direction, après avoir rencontré plus de trente comédiens intéressés par le projet. J’ai choisi quinze d’entre eux pour participer à ce travail.

Le travail s‘est étalé sur cinq semaines.
La première était consacrée aux personnages. Chacun des comédiens élabore lui-même son personnage, à partir des quelques indications données au moment de la distribution (ouvrier, cadre, directeur). Partir de soi, trouver quels gestes et quelles intonations, on peut lui prêter pour l’incarner, et sur quel moment de sa vie s’appuyer. Ce travail personnel se prolonge par un travail d’enquête (rencontres avec des hommes et des femmes) et de documentation (ouvrages romanesques ou scientifiques ; films de fiction ou documentaire).
Chaque comédien a fait une fiche personnelle de son personnage et en a fait lecture devant le groupe. Ces lectures donnaient l’occasion à des discussions et à des échanges. On voyait ainsi naître des amitiés, des inimi­tiés entre les personnages. Ce travail collectif et oral est important pour faire circuler des idées des uns aux autres. Chaque comédien est également son propre costumier et accessoiriste, y compris pendant le tour­nage.

Une fois les personnages définis, nous avons commencé le travail d’improvisations, à partir desquelles a été écrit le scénario.  Le point de départ de l’histoire est donc une petite communauté humaine du monde du travail, dans une petite entreprise. Il y a donc des ouvrières, des mécaniciens, des cadres, une PDG, une femme de ménage et un gardien. Je voulais montrer le travail dans sa grande banalité, comme dans un documentaire.

Je donnais des situations en creux, les personnages présents, le moment de la journée et le lieu. Puis les comédiens improvisaient. Nous avons commencé par l’arrivée des ouvrières dans le vestiaire avant d’aller à l’embauche. Qu’est-ce qui se passe ?  Le même point de départ était donné pour les personnes qui travaillent dans les bureaux.

Une fois tout ce petit monde au travail, j’ai introduit un ressort fictionnel : la grève. Je ne savais ni pourquoi, ni comment cette grève devait survenir. Nous devions nous nourrir du réel pour servir de terreau à la création. J’ai mis le groupe en situation d’être comme une chambre d’écho à l’actualité. Nous sortions de la campagne référendaire sur la Constitution Européenne. Tous les jours, les médias nous terrorisaient sur les questions de délocalisations et de mondialisation. À Marseille, les employés de Nestlé entraient dans le combat contre sa délocalisation. Nous sommes allés les voir. Nous nous sommes nourris de livres et de films. C’est le documentaire sur l’affaire Ronal qui allait me donner l’élément dramaturgique, le grain de sable qui allait déclencher la grève : un papier au contenu explosif trouvé à côté d’une poubelle. Cet élément à charge, ce bout de papier, offrait des solutions cinématographiques pour que son contenu (une délocalisation, doublée d’une mise en faillite) circule entre les personnages et distille son venin dans les esprits.

Nous avons avancé chronologiquement dans l’histoire, nous démarrions une nouvelle scène uniquement lorsque nous avions résolu la précédente. J’ai écrit le scénario parallèlement à ce travail de répétitions. Les comédiens me faisaient parvenir un texte relatant chaque situation vécue de l’intérieur par leur personnage.
Chaque scène était improvisée plusieurs fois, et je notais les intentions les plus intéressantes. Les séances étaient filmées. L’histoire s’est donc inventée au fur et à mesure, nourrie par l’actualité et par nos recherches, elle s’est enracinée dans la réalité.

Au bout de cinq semaines de répétition, il fallait se rendre à l’évidence que notre projet de film ne serait pas un court-métrage.

Le projet a aussi pris forme dans mon désir de filmer le monde du travail et de l’usine en particulier ; filmer des machines et les entendre ; filmer des gestes devenus automatiques, mais également les gestes maladroits de l’amour ; filmer la chorégraphie du travail.
Il y avait le désir aussi d’inventer son propre outil de travail pour faire ce film. Je savais que nous devions tourner avec une caméra numérique, mais je trouve l’image trop froide, trop nette pour notre fiction. Je voulais singulariser l’esthétique. J’ai donc demandé à Michel Dunan, chef opérateur avec qui j’ai beaucoup travailler, de bricoler une caméra. Il a donc fabriqué la “caméra Mitch One II“. Elle est constituée d’une petite caméra numérique et d’une boîte noire sur laquelle on met des objectifs optiques. Cette technique offre la pro­fondeur de champ de la pellicule argentique permettant une meilleure composition, casse la définition de l’image et adoucit les couleurs.

Pour le tournage, nous avons cherché une vraie usine et des bureaux, pour nous servir de décors. Ce principe de réalité devait servir les comédiens dans leur jeu, donner une certaine vérité à leur geste et à leur mouvement.

Une équipe technique réduite de dix personnes, nous a rejoint pour une dernière semaine de répétition dans ces décors, avant-goût de notre semaine de tournage. Nous avons joué toutes les scènes que nous avions écrites. Cette ultime mise en place nous a permis d’anticiper les problèmes.
Si le scénario fixe les intentions principales, il laisse encore de la place à l’improvisation au moment du tournage. J’ai opté pour le plan-séquence. Chaque scène était tournée plusieurs fois, selon des axes différents. Cette méthode favorise l’interprétation (la constance) et permet d’aller vite. Nous n’avions que cinq jours de tournage.

L’organisation du tournage différait quelque peu d’une production classique. La participation active des comédiens, à la gestion du plateau, apportait une concentration plus vive autour du film. Ils étaient aussi responsables de leurs costumes et de leurs accessoires.

Extrêmement mobile, nous avions la capacité de nous adapter à toutes les situations et d’aller vite. Nous avons pu tourner tout ce qui était prévu.

Le DVD (montage 11) montre l’état du film au bout de cinq semaines de montage. Ce n’est pas encore la version définitive.

Bernard Bœspflug, septembre 2006
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Tout tremble 2006. 65 min. Réalisation Bernard Bœspflug. Production association tout tremble. Fiction, vidéo.
Avec Corinne Reverbel, Jean Pierre Gourdain, Claude Pardanaud, Pascale Denizane, Claire Massoubre, Sandra Trambouze, Gabrielle  Speggiorrin, Charlotte Hamer, Valérie Mignucci, Charles Salvy, Franck Libert, Philippe Allari, Xavier Laurent, Maïté Simoncini…

« Lundi matin, ouvriers et cadres commencent leur semaine de travail dans leur petite entreprise. L’absence de la PDG n’inquiète personne lors de la réunion hebdomadaire d’objectifs.
Lorsqu’elle arrive de son séjour à Genève, siège du holding auquel appartient son entreprise, elle est porteuse d’une nouvelle qui va se répandre comme une traînée de poudre : une délocalisation de l’outil de travail.
Les ouvriers décident la grève et de demander des comptes à la direction.
Tout tremble. »

 

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